Aujourd'hui, je vous propose de me suivre dans une balade au Père Lachaise en compagnie de Jefferson et Julie-Pomme du collectif
les Herbes de Paris (que vous avez déjà pu rencontrer sur
1000 lieux) et de Cécile d'
Oz Garden, réunis tous trois dans une démarche commune: rendre hommage aux âmes oubliés...
Une fois n'est pas coutume, je laisse carte blanche à Cecile et je m'incline devant sa plume...
« J’irais fleurir vos tombes ...»
Ou comment sont venus,
Les Hommages aux âmes oubliées et aux souvenirs perdus,
Un opus romantique d’artisans de la fleur, une guérilla gardening, une profanation de l’oubli,
à coup de baguette magique végétale, résument parfaitement l’intention première de cet
Un commencement ;
Une sensibilité commune, des émotions partagées autour d’une balade dominicale
parisienne... nous unissent.
Une soif de nature, ce besoin viscéral d’oxygène, de l’éblouissement d’un rayon de soleil ou
du picotement d’une pluie brumeuse, ressentir ces courants d’air, se sentir vivre ou
simplement témoigner des saisons qui passent comme défile la vie.
L’amour des vieilles pierres sous toutes ses formes, l’intérêt pour l’histoire d’une ville, des
hommes qui l’ont faite, la nostalgique d’un Age d’or d’excellence urbaniste, de l’esthétisme
voluptueux inspiré par la nature, contrarié par la rigueur de l’organisation des constructions
funèbres qui semblent inébranlables.
Tout ceci nous entraine au jardin, celui de toujours, comme une friche cachée :
« Le Père Lachaise » nous accueille à notre tour dans son enclos, après les folies de campagne
d’un temps royal, entretenu par des ecclésiastes inspirés et encore champ de bataille
d’innocents.
Il est devenu celui des souvenirs, du silence et des recueillements ...
Entre ceux qui pleurent leurs disparus et les touristes à la recherche des sépultures célèbres,
nous fuyons la foule, pour poser nos regards sur ceux devant qui on ne s’arrête plus.
Et là, s’entremêlent nos pas, nos voix, et les débordements des fantasmes de notre
Nous sommes nés sensibles aux émotions quelles que soient leurs origines et leurs tonalités,
l’apprentissage de la vie nous a certainement écorchés, et nous a fait gourmands de cette
nourriture du passé ;
Il est pourtant essentiel d’ingérer nos influences pour évaluer le respect de notre démarche.
« Cette famille qui vit en moi, que j’engloutis ou je recrache, comme la fierté ou la honte de
mes aïeux. Je te ferais hommage puisque tu m’as fait ...
J’irais fleurir vos tombes ... »
D’une boutique pleine, d’épanouissements ultimes de fleurs sans acquéreur, après avoir
donné toutes leur fraicheur à la sublimation de notre jardin d’intérieur, « du vieux Paris »
pour les beaux yeux des passants ;
Nous respectons ces fruits de la Nature autant que ceux à qui elle a donné un cœur... et
refusons de les abandonner dans ces bennes de trottoirs comme des détritus.
Dans cette même volonté de ne pas « mourir pour rien »... nous leurs offrirons un dernier
souffle au-delà de l’ultime goutte d’eau qui les anime,
Fleurs et feuilles, mélangées, assemblées ou solitaires, par nos mains composées, iront
s’évanouir, se dessécher, et devenir poussière pour retourner à la terre qui les a fait naitre.
Elles s’entassent dans nos paniers et nous accompagneront pour trouver leur dernière
demeure ici-bas.
Armés de nos outils de guerre, couteaux, serpettes et sécateurs, nous arrangerons leurs
exaltations comme une dernière louange.
A cet instant commence notre promenade ;
Dans une continuelle bataille entre l’homme et son environnement,
cette « Mère Nature » arrache sa place pour survivre ; et de sa toute-puissance éternelle,
nourrie des poussières de vie, elle puise sa force et à son tour vient éprouver et détruire à
coups de racines, mousses, ronces et champignons, entre les vents, les pluies , les gels et les
chaleurs cassantes, elle reprend ses droits,
sur les architectures organisées par l’histoire et ces constructions humaines qui célèbrent la
vie passée ; témoignages de l’amour inconditionnel, du respect exacerbé par l’absence, de la
peur de l’oubli et de l’extinction d’une lignée
Et comme une dernière trace, d’un temps, de valeurs et de sentiments gravés dans la pierre,
à perpétuité qui, tant qu’elles sont debout, cristallisent à jamais les ultimes offrandes de ceux
qui restent pour ceux qui partent.
Notre balade nous sème parmi les méandres de ces chemins et entrecroisements de
tombeaux et sépultures; dépouillements et humilité de certaines contre grandeur décadente
d’autres... elle nous fait crapahuter entre les morts.
Mélange d’angoisse curieuse de ces caveaux et ces chapelles abandonnées, comme des
catacombes à ciel ouvert qui laissent s’échapper d’étranges sensations d’errance d’esprits...
Et d’excitation esthétique à la vue de ces richesses décoratives, objets trouvés parmi les
jardinières, Médicis, céramique florale, alcôves et ferronneries ... tout nous inspire.
Nous ne sommes jamais loin, l’un de l’autre, comme pour éviter de glisser, emportés de
l’autre côté, et pour aussi partager, là où nos yeux se sont posés.
Les dates, les messages gravés dans la pierre, nous entrainent dans les chimères de
l’existence des autres ... nous supposons une vie, croisant le recul sur l’histoire,
Les enfants d’un autre siècle, une fratrie décimée, une guerre, une maladie...
Nous revivons la souffrance, de ceux qui auraient voulu se souvenir pour toujours, les larmes
qui ont coulé sur ces pierres que nous touchons, la folie engendrée par l’injustice de
l’absence...
Et puisque la mort emporte la vie et marque notre essence vitale comme une blessure ouverte
... et qu’un jour elle enlève à son tour, le cœur des endeuillés, plongeant ces défunts tant
aimés, leurs mémoires et réminiscence ... dans un oubli éternel.
De notre déformation professionnelle, interprète de l’émotion au medium végétal, éphémère,
pour une dernière fois, nous prononçons leur nom, avant de les libérer au silence, de
l’immensité de l’infini. Accompagnateur du vivant, comme une ultime promesse faite à des
condamnés, avant que leurs yeux se ferment et que leurs chaleurs s’évanouissent,
« J’irais fleurir vos tombes... »
Alors voilà, l’essence, la substance et les valeurs,
Des Hommages aux âmes oubliées et aux souvenirs perdus,
La passion d’un métier, conteur d’hommages, traducteur de sentiments, joueur de couleur
La nostalgie d’un temps où la tradition menait naturellement à l’offrande pour entretenir les
mémoires, comme un éternel rappel de nos origines
Le souvenir d’un temps où la nature était plus que jamais source d’inspiration, au travers
notre art de vivre et des objets qui le composaient ; ou l’homme était en symbiose avec son
environnement.
Respectueux de la délicatesse de la vie, conscient de son cycle.
L’espoir, peut être utopique que la création n’est autre, et en toute humilité, qu’un éternel
recommencement, qu’elle est insufflée par la reconnaissance de notre histoire, déjà notre
L’amour de notre matière, des lignes, des formes, de ces valeurs symbolique, fleurs et autres
dérives végétales, vulnérable et fragile comme un souvenir,
Nous entraine à créer à l’infini des jeux végétaux et nous pousse à voir partout comme la
nature s’arrange quand elle rencontre des supports...
De tous cas la démarche créative « des hommages » si on pouvait la qualifiée d’Art funéraire,
est avant tout issue d’une jolie rencontre, d’amoureux de la nature et de ses émotions, mais
surtout de son partage.
Et comme dans toute démarche artistique, il y a certainement d’abord une idée mais ensuite
l’intimité des liens, entre l’esprit et les mains pour la réaliser.